Meteore, meteore, meteore, de Alayat too !
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On se rend à Tyrell bay ce soir. On quitte Grenada après notre petite escale en début de journée. Dès qu’on retrouve des profondeurs appropriées Loïc choisit un nouveau rapala dans notre boite à trésors et le baptise Gill. Il est vert et noir avec des paillettes argentées. L’hameçon brille au soleil, prêt à piéger le poisson imprudent qui passe à proximité.
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Loïc a eu l’œil aujourd’hui, car son rapala trouve preneur à peine dix minutes après l’avoir lancé. Comme à chaque fois qu’on a une prise, chacun se met à son poste. Le scénario est toujours le même et après trois quart d’heure, la bête fait enfin son apparition à fleur d’eau. Une masse brunâtre de belle taille nage à quelques mètres du bateau et c’est l’euphorie. On a un magnifique Wahoo (thazard) au bout de la ligne. Il nous reste plus qu’à le monter à bord. Notre nouveau crochet facilite la tache et le rhum termine le travail. C’est une belle revanche sur l’espadon perdu de l’autre jour. On chante, danse et on crie notre victoire.
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Le moral est au top et malgré une navigation un peu pénible contre vents et courants, nous arrivons avec le sourire au mouillage de Teryllbay ou Meteore nous attend. Notre trophée ne passe pas inaperçu. Les pêcheurs et vendeurs locaux le regardent avec appétit et demandent s’ils peuvent récupérer la tête, la queue ou toute autre pièce lors de sa découpe. Pierre sacrifie la jupe arrière de son cata pour la charcuterie, sympa, car le teck n’est pas vraiment fait pour. Premier venu, premier servi et l’heureux gagnant repart avec la tête du Wahoo. Notre jolie bête mesure tout de même 1m45 et pèse plus de 20 kilos.
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Béa nous prépare un délicieux repas au clair de lune et on passe une dernière soirée en très bonne compagnie. Meteore reprend sa route au sud pour aller « hiverner » leur bateau à Trinidad pendant la période cyclonique.
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Pendant la réunion BLU avec Grikypac qui est toujours ancré dans les Tobago’s, Pierre se laisse séduire par le capitaine du bord de remonter avec nous vers eux pour fêter l’anniversaire de Pierre. Il promet des tomates du jardin et qui peut résister à ça ?
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On hisse donc les voiles, cap 0 pour rejoindre les autres. Le cata de Bea et Pierre semble glisser comme sur de la glace et il prend rapidement son envol. Le vent est capricieux et fait le yoyo entre 10 et 20 nœuds de direction variable. On choisit de passer à l’Ouest de Palm Island pendant que Meteore passe au vent de l’île. On retrouve Jean-Louis, Ingrid, Thomas et Remi au même endroit.
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Naji veut aller chez le coiffeur. Il va avoir du mal à trouver une boutique dans les cays, mais Pierre et Jean Louis veulent bien lui rendre service. Naji prend donc rendez vous avec nos deux coiffeurs in spé pour dix heures du matin. Il se regarde une dernière fois dans le miroir avant de se rendre sur place. Pierrot et Jean lou ont installé leurs matériels sur la jupe arrière de Grikypac. Tondeuses, tablier, ciseaux, pinces à cheveux et évidement magazine people accompagné d’un café chaud. Je crois que Naji s’est préparé au pire, y compris coupe boule de billard. Les deux tondeuses n’ont pas les mêmes têtes. Résultat : bâbord plus court que tribord. Il suffit d’inverser le matériel et voilà qu’on obtient la coupe Alizée.
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Meteore repart cette fois ci pour de bon en nous laissant avec Grikypac et notre congélateur plein de viande. On discute le menu du soir sur le canal 69 du VHF. Les autres bateaux qui nous écoutent se posent la question si on raconte des bobards. La conversation type : Alors, on mange cote de bœuf, tartare de bœuf ou filet de bœuf ? Est-ce qu’on fait des petites pommes de terre sautés aux truffes ou aux morilles. Tu préfères un Jurançon ou un Pouilly fumé. Les gens à l’écoute essaient de repérer notre restaurant flottant, mais ils doivent se contenter de saliver en fermant les yeux.
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On prend tellement goût à cette vie dans le lagon qu’on ne bouge plus. La saison touche à sa fin et le nombre de bateaux au mouillage diminue de jour en jour. Les boatboys ont de moins en moins de travail, car les voiliers de voyage ne sont pas de bons clients en général. Tula est donc très content de nous rendre des services. Il nous amène des fruits et légumes, récupère le colis Fedex avec du matériel pour le bateau, fait remplir les bouteilles de gaz vides et donne des nouvelles des îles. Les enfants continuent la construction de notre résidence secondaire sur l’île de Baradal, pendant qu’on explore les fonds pour prendre quelques photos des Demoiselles, Diodons, poissons trompettes, poissons perroquets et petits cousins de Nemo.
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On nage tous les jours avec les tortues. Les enfants tentent de se faire remorquer en s’accrochant à leur carapace. Elles se font surprendre par les plongeurs au moment où elles ont le nez dans le sable en train de manger les algues de leur jardin.
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Ce matin, on part explorer le rif extérieur avec Ingrid et Jean Louis. On amarre les deux annexes sur une des bouées installées par le parc tout au long du banc de corail. On barbotte dans à peine deux mètres d’eau entre les patates à la recherche d’un spécimen qui se veut rare. Le courant est très fort et on se muscle les cuisses en palmant comme des malades. D’un coup je vois une ombre grise droit devant moi à quelques mètres seulement. Je distingue bien l’aileron et le mouvement de l’individu ne laisse rien à deviner. C’est un shark, un requin gris d’environ deux mètres que j’ai en face de moi. Je signale la présence à Ingrid, puis à Jean Louis qui nage un peu plus loin. D’un coup Jean Louis se fige et nous dit de se mettre sur les cailles, car notre sharky fait des cercles autour de nous. Naji s’est un peu éloigné et je l’appelle depuis mon caillou pour lui dire de se réfugier également en hauteur. Jusque là, j’étais assez sereine, mais la situation n’est pas très rassurante et du coup je perds mon tuba, bois la tasse et me racle les genoux sur les coraux. JL prend les choses en main et la petite troupe se regroupe autour de lui pour palmer « tranquillement » vers nos embarcations respectives. Le prédateur n’a décidément pas apprécié notre présence car il nous accompagne même jusqu’aux annexes pour être sur qu’on fiche le camp. Jusqu’à ce jour, il n’y a pas eu d’attaques à l’homme mais je crois que je préfère définitivement les tortues…
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La dernière évaluation du CNED est timbrée et les avis de passage ont été reçus. Et c’est tant mieux car les journées passent à toute vitesse quand on réside dans un endroit pareil. Alayat retrouve petit à petit sa légèreté au fur et à mesure de vider les frigos et les cales. Willy, Golden teeth, Tula, Desperado et Roméo nous saluent tous les matins, habitués de nous voir là. Le parc fait des prix long séjour à Grikypac et nous pourrons bientôt bénéficier des mêmes tarifs.
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On annonce un peu plus de vent pour les prochains jours et nous sommes bien obligés de remonter l’ancre pour la jeter 0,3 mile plus loin à l’abri de petit bateau. Le mouillage se vide, mais on ne bouge pas d’un mètre avec 60 mètres de chaîne au fond de l’eau. Chaque jour on modifie notre échéancier, nous ne voulons plus quitter les îles.
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Nous décidons enfin après plus de quinze jours d’immobilisme de lever l’ancre. A condition que Grikypac fait de même, car il est inconcevable de quitter notre jardin tout seul. On passera une dernière soirée ensemble dans la baie de Clifton sur Union. La rencontre avec cet équipage a été un grand moment et on se reverra très prochainement. On se fait arroser copieusement au petit matin accompagné d’un coup de vent de 45 nœuds. Griky dérape et atterrit sur le voisin mais sans causer de gros dégâts heureusement.
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On quitte Union avec un gros pincement au cœur car les dernières semaines ont apporté pleines de choses et notamment des rencontres exceptionnelles.
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Il y a du monde à Salt Whistle bay sur Mayreau. Les voiliers en route pour le sud s’attardent encore quelques jours ici avant de quitter les eaux turquoise des Grenadines et de retrouver des eaux moins paradisiaques au sud de Grenada. On prend désormais la météo tous les jours du Cap Vert aux Antilles pour surveiller la naissance d’une éventuelle dépression tropicale. L’horizon est libre de tout danger, mais le cargo de Dockwise qui va ramener notre bateau à Toulon nous attend le 15 Juin au Marin. Le compte à rebours a commencé pour nous. Encore quelques belles journées de navigation en vue et puis c’est fini aux Antilles pour cette fois ci !
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De nombreux voiliers ont commencé le chemin du retour par les Açores. Tabasco traverse en famille, Christophe ramène son RM en solitaire et d’autres ont trouvé des équipiers pour ramener leur voilier en Europe. Nous sommes contents d’avoir prévu un retour en cargo car l’appréhension du retour se fait ressentir chez de nombreux marins. Bravo donc à tous ceux qui sont en route en leur souhaitant bon vent.
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La remontée vers la Martinique passe par Bequia ou on fait notre clearance out. Nous passerons la nuit derrière Young Island au sud de Saint Vincent. Le réveil sonne à 5h30. On remontera d’un trait vers Rodney Bay à Sainte Lucie ou les sushi nous attendent chez nos copains The Edge.
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Le ciel est très chargé et de nombreux grains croisent notre route. On s’entraîne donc à prendre des ris pour les libérer, puis on réduits à nouveau à l’approche d’une nouvelle averse. On se muscle ainsi les biceps une dernière fois avant de rentrer en Méditerranée. Le passage entre Saint Vincent et Sainte Lucie est toujours fidèle à sa réputation. Le vent se renforce, la mer se creuse et le courant joue avec nous. Par moment le courant dépasse les trois nœuds et demi et entame la bagarre avec le vent qui souffle dans le sens opposé pour monter une mer chaotique couronnée d’écumes blanches.
Les Pitons marquent des eaux plus calmes et on arrive à Rodney bay en début d’après midi.
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Naji est allé chez le coiffeur mais Alayat a une barbe terrible. Il faut donc raser sa coque à l’aide de spatules et de brosses. A moins qu’on trouve un chantier qui peut le monter pour passer carrément le karcher. Les anglais sont débordés mais le grutier au Marin trouve un créneau pour le lever. Cap sur la Martinique. Il fait une chaleur terrible donc on restera au mouillage de Sainte Anne pour commencer le rangement de la maison avant de rentrer au port.
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Alayat sort de l’eau à huit heures du matin pour se défaire de sa robe d’hiver. Il ne reste plus grand-chose sous sa ligne de flottaison. Le jet arrache les algues, coquillages mais également l’anti-fouling qui restait. On replonge sa coque dénudée dans l’eau, il est temps de se rendre à la marina.
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On enlève la plupart du matériel qui traîne sur le pont et qui risque de s’abîmer lors du transport à bord du cargo de Dockwise. La date du départ est maintenant fixée avec l’arrivée du bateau orange dans la baie du Marin. On embarquera demain à partir de 14h30.
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Il faut encore nettoyer l’annexe, ranger les sacs de voyage, vider les frigos, bien qu’il ne reste plus grand-chose grâce à ou à cause de Grikypac.
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L’heure du départ s’annonce. Un à un les voiliers s’approchent de l’embarcation qui va nous ramener en Europe. On attend notre tour pour entrer dans le dock selon le plan qui nous a été fourni. On amarre finalement en fin de journée le long des passerelles comme une pièce d’un puzzle. On ajuste les derniers pare battages, rassemble nos affaires personnelles avant de monter en haut du château ou se trouve le capitaine dans la cabine de pilotage. On a une vue plongeante sur l’ensemble des bateaux amarrés dans le dock. Les plongeurs commenceront le travail de calage dès demain, puis il faut le temps de remonter tout ça au sec.
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Voilà, c’est la fin de notre périple aux Antilles. Un voyage inoubliable avec une suite…