Ici elle se nomme non pas Eole mais Alizée. Nous avons eu affaire à notre chère Déesse Eole lors de notre passage en Méditerranée cet été. J’ai donc découverte une autre déesse qui règne sur les eaux turquoises des petites Antilles. Alizée est sensée être au top du mois de Novembre à début Février, période pendant laquelle elle pousse la flotte d’Est en Ouest. Cette année elle a puisé dans ses réserves en soufflant fort jusqu’à la mi-mars, chose plutôt rare.
Dans deux jours nous serons des clandestins aux BVI car notre visa d’un mois arrive à échéance. Le vent ne veut toujours pas faiblir et un départ avant quatre jours n’est pas envisageable. Nous devons non seulement remonter contre le vent, mais nous aurons également le courant et la houle dans le nez.
Nous croisons un couple anglais qui devra à tout prix se rendre à Saint Martin avant demain soir. Il y a 25 nœuds avec des rafales à 30 dehors venant de l’Est. Le cap pour Saint Martin est de 120 degrés ce qui rend une route directe impossible. Il faut donc tirer des bords dans une mer démontée, au près serré. Ce n’est vraiment pas une mince affaire et absolument pas drôle. Le gentleman est un skipper chevronné, donc habitué à affronter des situations difficiles, mais quand même. Sa femme n’est pas tellement ravie, mais reste, comme toute bonne anglaise, très polie et elle ne se manifeste pas plus que ça.
Nous quittons l’abri douillé en même temps et on les voit emprunter la passe avec un petit pincement au cœur. La coque blanche monte, puis glisse dans le trou béant entre deux vagues ou elle disparaît pour réapparaître un peu plus tard en haut d’une nouvelle crête. Elle s’éloigne lentement pendant que nous faisons route vers Cooper Island protégée de la fureur qui règne à l’extérieur.
Le mouillage est agité. Les rafales sont par moment assez violentes et Alayat fait des mouvements brusques en tirant sur le mouillage. Le pont est arrosé plusieurs fois par une pluie diluvienne. On se regarde Naji et moi et on pense à la même chose. Combien nos copains outre manche ont du souffrir pendant cette traversée courte ( 80 miles
C’est décidé, nous préférons rentrer dans la clandestinité plutôt que subir une traversée cauchemardesque.
Nous allons attendre une accalmie qui est prévue pour demain, après demain, comment être sur avec des déesses comme Alizée.
Nous sommes le 6, dernier jour de visa. On effectue donc les formalités de sortie en espérant de ne plus rencontrer de douanier sur notre route avant le départ.
Notre stratégie de routage consiste à naviguer le plus possible au nord avant d’incliner notre route sur 150° vers Saint Martin. Pour cela nous allons faire escale à Anegada, puis continuer notre route au nord pour une vingtaine de miles avant de prendre le cap.
Anegada est une île extrêmement plate qui se situe au nord de Virgin Gorda. Elle est entourée d’un rif (Horse shoe reef) qui constitue un des plus grands cimetières bateau de la région. Ce piège naturel s’étant sur plus de 20 miles
Nous partons ce matin pour Anegada. Le vent a faibli et nous avançons au moteur. Le ciel est chargé et menaçant. Nous risquons de se faire arroser au large de Beef Island par une belle averse tropicale. Pas de rendez-vous ? Pas de rendez-vous ! On peut donc faire un arrêt à Marina cay où on retrouve les amis sur Maxandre.
Il faut y aller maintenant. Seul de petits cumulus de beau temps traversent le ciel et le soleil est radieux, prêt à nous éclairer les fonds à l’approche d’Anegada. Ça tombe bien car nous constatons un écart assez important entre notre position GPS et le chenal balisé de Setting point. Nous sommes troublés par la situation. Nous avançons sur la pointe des pieds pas sur du tout de notre position exacte. Le sondeur affiche 2 mètres
Rien ne vaut l’œil d’un marin averti.
Les balises sont bien là ! Pas en bon nombre comme sur les cartes marines, mais un rouge et un vert au moins pour marquer l’entrée du chenal.
Sur l’écran nous traversons des rifs, passons à travers de nombreux pâtés de corail comme les deux soeurs et nous avons à peine un mètre sous la quille. En réalité nous passons entre les deux bouées dans une eau cristalline sans la moindre tache brunâtre équivalente de haut fond.
Un Oyster est mouillé juste à l’extérieur de la dernière balise rouge et nous faisons de même. La couleur de l’eau devient de plus en plus clair en avançant vers le mouillage officiel et les fonds remontent de nouveau sous nos pieds. L’ancre s’accroche sans broncher et Loïc en profite pour se jeter par-dessus bord afin de vérifier le mouillage. Non loin on repère des hauts fonds. Les enfants savent qu’ Anegada est connu pour leurs langoustes et ils décident d’en pêcher sous les rochers. L’expédition en annexe ne donnera pas de quoi nourrir la famille mais on observe de très nombreux poissons autour de notre rocher dans ce vivier géant.
La pêche n’a pas été bonne, il faut donc acheter les bêtes auprès des pêcheurs qui s’installent sur le ponton en fin de journée. On réussit à négocier deux jolies bêtes qu’on fera griller sur le barbecue suspendu à l’arrière du bateau. On se régale, sauf Romain, qui n’est pas adepte de crustacés.
Il paraît que les plages sur la cote nord de l’île sont exceptionnelles. On part donc à bord du fameux taxi plein air que les enfants adorent avec Mitch pour Loblolly bay. La cote est très sauvage et les rifs qui bordent la plage sont seulement à une centaine de mètres au large. Les vagues se brisent sur la barrière corallienne. La mer porte encore les séquelles des intempéries des derniers jours.
Elle finie par se calmer en fin de journée et notre départ pour Saint Martin est donc imminent.
Le réveil sonne à l’aube. Nous avions changé de mouillage pour aller à Pomato point afin de faciliter le départ matinal. On contourne l’extrémité ouest de l’île en attendant les premiers rayons du soleil. La mer est encore un peu hachée et nous progressons en tapant dans les vagues vers le nord. Les fichiers grib ne nous ont pas menti. Le vent est effectivement orienté au Nord-Est. S’il ne change pas d’avis, nous allons tirer un bord direct vers notre destination Simpson Bay.
Le cadran de contrôle du moteur affiche 2000 tours et il est temps de dérouler le génois pour stabiliser et en même temps pousser le bateau. Il n’y a pas beaucoup de vent mais suffisamment pour aider le moteur à gagner un nœud et demi. Curieusement nous avons le courant avec nous. Du coup on fait pratiquement 8 nœuds sog, c'est-à-dire au sol. Moteur 6 nœuds + 1 nœud Génois + 1 nœud courant, ça fait une très bonne vitesse.
Mais est-ce que cela va durer ? Eh ben oui, nous avons parcouru les 85 miles
Juste avant d’arriver à Simpson bay, je vois une baleine sauter au loin. Je n’ai jamais vu ça c’est très impressionnant. Nous irons voir les baleines au large de Dominica quand on se rendra à Portsmouth dans deux ou trois semaines.
Le soleil se couche pendant qu’on parcourt les derniers miles. Une dernière lueur de lumière nous éclaire la baie au moment de jeter l’ancre. Nous sommes très contents de notre traversée et un peu fier d’avoir eu la bonne stratégie pour mener au mieux ce parcours. Pour fêter cette belle journée, nous nous offrons un repas chez Bliss. On attache l’annexe au ponton de la marina à l’aide du cadenas qui doit garantir de le retrouver au même endroit après notre sortie. Oups, la blonde a oublié la clef qui doit libérer l’annexe du taquet de quai. Comment faire ? Le bateau est au milieu de la rade et notre annexe est prisonnière de son propre cadenas. Naji, le bricoleur trouve avec l’aide des gardiens de nuit l’outil nécessaire pour saboter le maudit taquet. On peut rentrer chez nous en restant au sec.
Il faut faire escale à Saint Barth. A l’aller nous avions acheté quelques délicatesses, notamment des confitures de folies dans un petit magasin. Je suis accros depuis et il faut donc refaire le stock afin de satisfaire madame.
La rade de Gustavia est moins remplie que la dernière fois, mais il y a néanmoins quelques belles pièces dans l’eau. A peine une heure après avoir jeté l’ancre, nous prenons la fuite vers le quai car le bateau roule dans le clapot. Nous faisons un malheur dans l’épicerie fine. Le proprio est super content et nous offre des chocolats et autres délicatesses. J’ai de quoi satisfaire mes pulsions confiturielles et Naji trouve quelques mets exclusifs afin de raffiner encore un peu plus ses plats.
Les devoirs des bambins terminés, nous partons à l’assaut de l’île. Il faut dire qu’on fait le tour en un clin d’œil mais ça vaut le coup. Les plages sont très belles et les établissements qui les occupent d’un grand standing. La clientèle n’est pas très « cool », mais les transats bien douillets et pourvues d’immenses serviettes éponges brodés du logo Eden Rock. On aimerait bien les ramener à bord pour compléter notre linge de maison.
Après le dîner, nous mettons cap vers Antigua pour une traversée de nuit. On a tous bien dormi, sauf Naji qui a assuré tous les quarts jusqu’à cinq heures du matin. J’ai donc fait le quart du quart, façon de parler. Les formalités se passent à Jollyharbour chez des agents une fois de plus peu aimables. Il faut remplir plusieurs formulaires qui atterrissent ensuite en vrac dans une corbeille, qui ressemble étrangement à une poubelle. Nos coordonnés finissent ainsi dans le tas au milieu d’autres plaisanciers sans laisser de trace auprès de l’administration.
Le temps est idéal pour se rendre dans les lagons exposés au vent. Les eaux sont limpides et le ciel à peine tacheté de nuages de beau temps permettant de distinguer la nature des fonds. On peut redessiner les cartes marines à l’œil nu avec récifs, hauts fonds, pâtés de corail et fonds de sables plus ou moins profonds.
Le bateau semble bien calé sur l’écran Raymarine mais nous avons appris qu’il faut surtout interpréter les couleurs qui nous entourent pour trouver le chemin entre les différents obstacles vers le mouillage de rêve. Un chenal dragué est le seul accès au lagon de North Sound. De là, nous faisons un slalom à travers le lagon en évitant les différents obstacles sous l’eau. C’est le premier entraînement avant notre expédition le mois prochain vers los Roquès au Venezuela ou la navigation se fait essentiellement à vu.
Il n’y a que quelques voiliers qui profitent du calme de ce lieu magique. Nous jetons l’ancre dans à peine trois mètres d’eau derrière l’île great bird. C’est le calme absolu. Seul les cris des oiseaux qui nichent dans les mangroves et les buissons en haut des rochers se font entendre.
Après avoir profité deux jours de ce beau mouillage, nous faisons demi-tour pour passer à travers la faille du rif qui protège toute la cote nord d’Antigua. C’est toujours un peu stressant de passer ainsi au milieu d’un récif en espérant que l’œil ne se trompe pas.
Green Island est un des mouillages favoris de Nonsuchbay. L’eau est lisse comme un lac derrière la barrière de corail. Sur la pointe extrême de l’île se trouve une minuscule plage de sable blanc très convoité. En fin de journée elle est déserte et on profite des derniers rayons de soleil pour se baigner.
On devait rester encore un peu, mais j’ai un pré sentiment qui me dit qu’il est temps de rentrer au port de English harbour. De plus, nous avons eu contact avec nos amis Suédois sur Tabasco qu’on doit retrouver aux Saintes dans quelques jours. Ils ont commencé leur voyage par les îles du sud et ils remontent maintenant tranquillement vers le nord pour débuter leur traversée de retour dans quelques semaines.
Nous arrivons en fin d’après midi dans la marina toujours aussi british, juste à temps pour effectuer les formalités de sortie avant que les différents bureaux ferment leurs portes. On a l’habitude maintenant et nous jetons l’ancre avant de reculer vers le quai pour amarrer l’arrière du bateau. Naji part en courant faire la clearance et profite de cette escale pour se faire une nouvelle coupe chez le Rastaman local. Je flâne un peu sur le port, admirant certains voiliers dans la rade. Il y a de l’animation sur le quai au pied d’Alayat.
Ce n’est généralement pas bon signe. Le moteur est en route et les matelots ont sorti les pare battages des coffres afin de protéger la jupe. Le vent qui s’est un peu levé a fait déraper l’ancre et on ne tient plus que sur le poids de la chaîne.
Romain a mis la marche avant ce qui a permis d’éviter le pire. Il faut larguer les amarres pour remouiller à nouveau. Romain a envoyé Loïc entre temps, rappeler le capitaine du navire. Sous le regard médusé du coiffeur, Naji part en courant, moitié cheveux longs, moitié courts.
Une fois bien amarré il peut enfin finir la coupe. Rastaman l’installe à nouveau confortablement et lui recommande de relax man.
Notre séjour au port va être raccourci après un coup de fil à Patrick, afin de réserver une place au port pour la fin de la semaine. Là il nous apprend qu’il faudrait mieux se mettre à l’abri car on prévoit une très forte houle du nord dans les 48 heures. On ne comprend rien car il n’y a pas beaucoup de vent et les fichiers grib ne prévoient pas plus de 20 nœuds pour les prochains jours.
Pour la première fois depuis quelques semaines, nous demandons des fichiers météo qui permettent également de voir la hauteur des vagues. Gloups, on annonce des creux de 4 à 5 mètres
Ce n’est rien par rapport à ce qu’il se passe sur les Bermudes. Là haut il y a plus de 50 nœuds de vent avec des vagues dépassant les dix mètres. C’est cette tempête tropicale exceptionnelle qui est à l’origine des vagues qui vont s’écraser sur les cotes des petites Antilles.
Voilà donc une fois de plus prêt pour une nouvelle nuit de navigation pour atteindre Pointe à Pitre demain dans la matinée. Patrick nous a réservé une place au port, qui du coup est pris d’assaut par de nombreux plaisanciers qui cherchent à se mettre à l’abri de ce phénomène inhabituel surtout en cette période de l’année.
J’effectue quand même le trois quart du quart que je n’avais pas fait lors de la dernière traversée de nuit. Il ne faut tout de même pas abuser…
Le tableau d’affichage de la capitainerie confirme les prévisions de Patrick. Alerte rouge sur la Guadeloupe, interdiction de prendre la mer à partir de demain sous peine de poursuite. C’est vraiment étrange parce qu’il n’y a pas un souffle de vent dans le port. Pourtant les fichiers météo montre bien la dépression qui tourne à contre sens avec une violence qui effraie plusieurs marins qui devront passer par là sur leur chemin de retour vers l’Europe via les Açores.
Afin de voir ce qu’il se passe réellement dehors, nous partons en voiture à la pointe des Châteaux à l’extrémité Est de l’île. Avant même d’arriver au bout du chemin, on rentre dans un espèce de brouillard, du aux embruns.
De nombreuses personnes viennent voir le spectacle qu’offre la mer. La houle a transformé l’océan en une bouilloire, fumante et menaçante. Le sel te colle au visage pendant qu’on monte sur le rocher qui surplombe la baie. C’est beau, impressionnant, mais la mer fait peur quand elle gronde ainsi. Elle t’attire comme elle te pousse. Elle est déclarée officiellement tempête tropicale….
bonjour !
ce matin , je me suis "arrêtée" sur votre dernier bulletin ! c'est magnifique.
la corniche à Marseille est belle en ce moment aussi avec la lumière apportée par le mistral...
bises et à bientôt
Rédigé par : afbourhis | 28 mars 2008 à 09:09